Page 34 - PetiteJeanne
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il faisait envie à beaucoup de monde. Je l'ai emporté; mais aussi il te coûte deux cent dix bons francs,
le contrat à la main. Es-tu contente?

--Notre maître, ce que vous faites est bien fait,» répondit Jeanne.

                             Jeanne reproche à Solange sa négligence.

Un matin, en se levant, Jeanne dit à Solange, qui couchait avec elle:

«Tes cheveux sont bien mêlés: tu ne les peignes donc jamais? je ne te vois pas non plus laver ni tes
bras ni ton cou.

--A quoi ça sert-il, puisqu'on ne les voit pas?

--D'abord, ça sert à être propre, ce qui est déjà un grand avantage. Tu te tourmentes au lit, tu dors mal,
parce que la tête te démange; tu n'es, ma foi, pas aussi raisonnable que les oisons que tu mènes tous les
matins à l'abreuvoir. Tu n'as donc pas vu comme ils se baignent, comme ils relèvent leurs plumes pour
que l'eau touche à leur peau; ils plongent leur tête et s'en servent après comme d'une vergette pour se
nettoyer et se lisser. Il n'y a pas jusqu'à la chatte, que tu aimes tant, qui ne fasse sa toilette. Et tes
mains! tu t'imagines qu'elles sont propres parce que tu les a trempées dans l'eau; mais des filles comme
nous, qui touchent à tout, ont besoin de frotter ferme pour nettoyer leurs mains; l'eau toute seule n'y
fait rien; il faut les dégraisser dans le son que l'on fait bouillir pour la volaille; ou bien, si tu écrases
une des pommes de terre que l'on met cuire pour les porcs et que tu t'en frottes bien les mains, tu verras
comme elles deviendront nettes et douces.

--Est-ce que je songe à tout cela, moi!

--Je t'y ferai songer, sois tranquille, ainsi qu'à changer de chemise tous les soirs. Crois-tu qu'il soit bien
sain de garder sa chemise pour coucher, quand on a eu bien chaud toute la journée? Et le matin, si tu te
lèves toute en moiteur, es-tu bien à ton aise quand ta chemise sèche sur ton corps! Et la prière du
matin, tu ne la fais pas souvent! Pourquoi ne vas-tu jamais voir M. le curé?

--Je n'oserais jamais y aller toute seule.

--Viens-y avec moi; j'y vais toujours en sortant de vêpres ou de la messe; tu verras comme on a le
coeur content et l'esprit tranquille en sortant de chez lui!»

Depuis ce temps-là, Jeanne ne manquait pas de faire rester Solange pour la prière du matin; elle parvint
enfin à la rendre propre à force de lui répéter ses bons conseils.

Solange devint plus endurante à mesure qu'elle était plus contente d'elle-même: elle profitait des avis
de Jeanne, et elle commença à se montrer bienveillante, à aimer tout le monde de la maison.

                      La maîtresse s'aperçoit du changement de Solange.

Les premiers jours de mars, la maîtresse dit à Jeanne:

«Voilà le temps au beau, j'ai envie de faire la lessive.

--Vous ferez bien, maîtresse; il faut dire à Solange de donner ses agneaux à la bergère pour les mener
aux champs avec les moutons; elle viendra nous aider.

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