Page 76 - PetiteJeanne
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--Non, maître Tixier, je voulais savoir ce que vous en diriez.

--Arrange-toi avec elle, je t'en donne la permission.»

Le colporteur resta deux jours chez maître Tixier, et, quand il partit, les accords étaient faits.

                               La famille Dumont vient voir Jeanne.

La famille Dumont vint, le mardi, voir Jeanne, qui leur avait dit la veille qu'elle était emménagée.

«Sais-tu que tu n'es pas du tout mal logée, petite Jeanne? lui dit Mme Isaure; et qu'as-tu donc dans ta
basse-cour?

--Rien encore, madame; maître Tixier va me donner une chèvre, un coq et deux poules.

--Qu'il te donne plutôt deux canes et un canard, dit Mme Dumont; je t'enverrai un coq et deux poulettes
de ma belle race.

--Et moi, dit Auguste, qui était devenu un bel officier, je t'apporterai une paire de ces jolis pigeons que
tu aimes tant.

--Et moi, dit Mme Sophie, je te donnerai une jolie chatte à longs poils pour te tenir compagnie; car, ma
pauvre Jeanne, tu vas trouver la maison bien grande quand tu seras seule toute la journée.

--Oh! je vais chercher de l'ouvrage tout de suite après avoir sevré Sylvain. Quand vous aurez besoin de
quelqu'un, ne m'oubliez pas, s'il vous plaît.

--Et la petite Nannette, qu'en feras-tu quand tu iras travailler?

--Je la mènerai au Grand-Bail, ainsi que son frère; ils s'amuseront autour de la maison: Nannette
gardera le petit, et Louise aura l'oeil sur les deux.

--Comme il est frais, ton Sylvain! Jeanne; si j'ai un enfant, tu me le nourriras, dit Mme Isaure.

--Avec grand plaisir, ma chère dame; ordonnez ici comme chez vous.»

                         Jeanne a de la peine à s'habituer à vivre seule.

Mme Sophie avait raison; Jeanne n'était pas accoutumée à tant de tranquillité: il lui semblait qu'elle
n'eût point d'occupation. Quand son ménage était fait, qu'elle avait promené la chèvre et qu'elle lui
avait amassé de l'herbe, le reste de la journée lui paraissait bien long.

Elle filait sur sa galerie pendant que Nannette amusait son frère; quand elle s'ennuyait trop, elle prenait
ses deux enfants et les emmenait au Grand-Bail. Là, elle aidait à Louise, et bien souvent on la retenait
à souper avec son mari qui battait à la grange; d'autres fois, elle s'occupait de son jardin. Nannette la
suivait partout, et, comme sa mère lui apprenait beaucoup de choses, cette petite fille causait bien
mieux que les autres enfants du bourg.

Quand les anciennes voisines de Jeanne passaient sur le chemin pour aller au marché, elles entraient
souvent chez elle, et après avoir visité sa maison, elles lui disaient:

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