Page 78 - PetiteJeanne
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--Vous croyez donc que cette paille que vous mettez pourrir devant vos portes fait un bon engrais?
Vous vous trompez fort: c'est bon pour vous donner la fièvre ainsi qu'à vos enfants, et voilà tout.

--Comment fais-tu donc, toi?

--Moi, je mets une couche de paille et une de terre sur mon fumier chaque fois que grand Louis nettoie
l'étable; j'empêche comme ça qu'il ne sèche, et la paille et la terre qui le couvrent deviennent un
excellent engrais. Faites de la litière jusqu'au ventre à vos bêtes, et tenez propre le devant de votre
porte, vous verrez comme vous vous en trouverez bien!

--Qui est-ce qui t'a donc appris tout ça, Jeanne?

--C'est Étienne Durand, le gendre de maître Tixier du Grand-Bail.

--Il veut donc changer toutes les coutumes, celui-là?

--Il ne veut rien changer; il veut seulement faire mieux, et il s'y entend bien; grand Louis dit que c'est
un excellent cultivateur.»

                            Jeanne a grande envie d'avoir une vache.

Jeanne désirait beaucoup avoir une vache, et en parlait souvent à son mari, qui lui disait:

«Ma pauvre femme, tu as deux enfants à soigner, bientôt trois; si Mme Isaure t'en donne un a nourrir,
ça fera quatre; je te demande si tu pourras t'occuper de ta vache!

--Je prendrai pour m'aider cette pauvre mère Henri qui demande son pain, et elle viendra pour peu de
chose. Elle gardera mes bêtes aux champs, puis elle ira à l'herbe; je n'aurai que la peine de traire la
vache et la chèvre, de soigner le laitage, et tu nettoieras l'étable le soir. Car, vois-tu, je veux avoir une
vache bien propre; je la ferai étriller tous les jours, comme Étienne Durand fait au Grand Bail; j'ai
remarqué, que, quand elles ont le poil bien brillant, elles donnent plus de lait et du meilleur.

--Si tu veux te faire aider, c'est différent, parce que je n'entends pas que tu te tues à l'ouvrage, je t'en
avertis. L'autre jour, le maréchal m'a proposé un cheptel; veux-tu que j'aille lui demander s'il est
toujours dans la même intention?

--Oh! oui, mon homme, va; ça vaudra mieux pour commencer, que d'acheter une vache nous-mêmes et
de rester sans le sou.»

Grand Louis alla voir le maréchal et revint bien vite dire à sa femme qu'on lui achèterait une vache, et
que le père Tixier la choisirait lui-même.

Jeanne fut bien contente d'avoir une vache; elle la menait paître souvent comme elle avait fait autrefois
chez la mère Nannette; sa fille conduisait la chèvre, et le petit Sylvain les suivait.

L'année se passa bien, la récolte fut bonne, grand Louis serra ses gerbes dans un coin de la grange du
Grand-Bail; il fit son vin en commun avec maître Tixier, chez lequel il travaillait toujours.

Il paya les premiers cent francs avec son temps, et il gagna assez en plus pour acquitter une bonne
partie de la rente viagère du père Colis. Jeanne eut un autre garçon qu'on appela Paul, et qu'elle nourrit
sans trop de fatigue.

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