Page 24 - PetiteJeanne
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Pendant la cérémonie, qui fut très-longue, Jeanne et Isaure montrèrent tant de piété que tout le monde
en était édifié.

Après la messe, M. le curé, qui avait invité toute la famille Dumont à déjeuner, voulut que Jeanne se
mît aussi à table; il disait qu'il ne pouvait pas faire trop d'honneur à une petite fille aussi pieuse.

La mère Nannette était dans un coin de l'église, où elle pleurait de contentement; il l'envoya chercher
pour dîner avec sa gouvernante.

                        La petite Jeanne va toujours chez Mme Dumont.

Jeanne, après sa première communion, ne cessa pas d'aller chez Mme Dumont. Le dimanche, on la
faisait écrire, lire et compter, pour qu'elle n'oubliât pas ce qu'elle savait. Si l'on faisait la lessive, elle
aidait à savonner le linge, à le mettre au bleu, à l'étendre et à le plier; elle repassait les draps et les
serviettes, et raccommodait ce qui était déchiré: elle finit même par apprendre à repasser le linge fin.
Quand il y avait quelqu'un à dîner, Jeanne aidait à la cuisinière et au domestique qui mettait le couvert,
ce qui lui apprenait un peu le service; on lui payait toujours sa journée quand elle la passait au château.
Comme elle cousait très-bien, la mère Nannette, qui connaissait assez de monde en ville, lui rapportait
de temps en temps quelque ouvrage à faire, soit des chemises ou des draps, ce qui lui faisait un petit
profit.

Les filles de Mme Dumont traitaient Jeanne en véritable amie, parce qu'elle était aussi réservée dans
son langage que sage dans sa conduite. Elle les aimait tant, qu'elle se serait jetée au feu pour leur
rendre service. Elle allait très-souvent chez M. le curé, qui lui donnait de bons conseils et lui faisait
remarquer combien Dieu avait eu pitié d'elle, pauvre enfant sans famille.

Jeanne donnait à la mère Nannette tout ce qu'elle gagnait, car elle n'avait besoin de rien acheter pour
elle-même; Mme Dumont fournissait tout ce qui était nécessaire pour l'habiller, comme elle l'avait
promis à la mère Nannette, après la mort de Catherine; Jeanne usait si peu de chose que Mme Dumont
lui disait quelquefois:

«Comment fais-tu, Jeanne, pour que tes robes durent aussi longtemps?

--Madame, je plie tous mes effets le soir et je les mets sur mon coffre. Quand il y a trop de boue à mes
jupons, j'en lave le bas, ce qui l'use bien moins que de le décrotter, et puis je le repasse. Je visite mes
habits tous les matins, et, aussitôt que j'y vois le moindre trou, je le raccommode.

--C'est très-bien, Jeanne; tu as pris là une bonne habitude.

--C'est bien le moins que je soigne mes habits, madame, puisque c'est vous qui me les donnez!»

                            Jeanne a grand soin de la mère Nannette.

A seize ans, Jeanne était grande et forte: elle soignait toute seule le bétail de la mère Nannette, qui se
faisait vieille; elle pétrissait le pain et chauffait le four; elle faisait le beurre et l'allait vendre à la ville,
car elle ne voulait pas que la mère Nannette eût la moindre fatigue; et comme Jeanne savait bien
prendre son temps, elle trouvait encore le moyen de faire quelque ouvrage pour gagner un peu d'argent.

«Ma chère mère, disait-elle quand la mère Nannette la grondait de ce qu'elle voulait tout faire, vous
avez eu pitié de moi quand j'étais petite; vous m'avez soignée comme si j'eusse été votre propre enfant:
il est bien juste que j'aie toute la peine, à présent que je suis plus forte que vous.»

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