Page 21 - PetiteJeanne
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--Oui, madame, je la fais tous les soirs et tous les matins. Quand le temps est beau, nous la faisons
dehors, et, quand nous passons devant l'église, nous entrons toujours pour prier l'enfant Jésus.
--Et que lui demandes-tu dans ta prière?
--Je le prie de me faire devenir bien grande et bien forte pour gagner notre vie, afin de ne plus
demander à ceux qui ne nous doivent rien.
--Tu seras donc bien contente quand tu pourras travailler?
--Oh! oui, madame, je vous l'assure.
--Et que feras-tu de l'argent que tu gagneras, quand tu seras grande?
--Je donnerai du pain et une robe à maman; puis je donnerai aussi quelque chose à la mère Nannette,
qui est si charitable pour nous.
--Mais elle me semble fort à l'aise, la mère Nannette.
--Madame, elle n'est pas riche, et, si elle n'épargnait pas autant, elle aurait bien de la peine à vivre.»
Au bout de quinze jours, Jeanne sut assez bien tricoter pour faire un bas. Sophie lui en commença un,
et Jeanne fut très-joyeuse de faire voir à sa maman et à la mère Nannette comment elle travaillait.
Quand elle gardait les oies et les deux petits canards, elle avait toujours son bas à la main; elle ne le
quittait pas non plus pour aller aux portes. Les gens qui la voyaient si travailleuse lui donnaient
souvent quelque chose avec son pain, ou bien des légumes pour mettre dans le pot; et quand on faisait
de la galette dans les métairies, l'on gardait toujours la part de la petite Jeanne.
Catherine garde le lit.
Jeanne continua d'aller trois fois par semaine chez Mme Dumont. Les deux demoiselles avaient
entrepris de lui enseigner à lire et à compter; elles continuaient de lui apprendra à tricoter, et chaque
vendredi elle avait ses cinquante centimes.
Elle fut toute une semaine sans venir.
«Je crains bien que Jeanne ne soit malade, dit Mme Dumont; elle, qui est si exacte, n'a pas paru depuis
huit jours.
--Maman, allons la voir! J'aime beaucoup la petite Jeanne; si elle était malade, il faudrait venir à son
secours: elle est trop pauvre pour se procurer ce dont elle a besoin.»
Et en disant cela Isaure courut appeler sa soeur et mettre son chapeau.
En arrivant chez la mère Nannette, ces dames virent la petite Jeanne qui pleurait à la porte de la
maison. Isaure courut à elle:
«Tu pleures, petite Jeanne? qu'as-tu? qui t'a fait du chagrin?
--Mademoiselle, c'est que maman est bien malade.»
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