Page 20 - PetiteJeanne
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On lui en donnait dix centimes; quelques dames qui étaient venues au marché les lui payèrent quinze
ou vingt, tant elles la trouvaient jolie et modeste. Elle vendit tous ses bouquets, et rapporta un franc à
sa mère. Depuis elle ne manqua pas, quand il faisait beau, de faire des bouquets pour aller les vendre.
On ne les lui payait pas toujours aussi cher; mais elle aimait mieux cela que d'aller aux portes.

                                La petite Jeanne apprend à tricoter.

Le vendredi suivant, Jeanne alla comme à l'ordinaire chercher les cinquante centimes chez Mme
Dumont. Sophie lui fit voir les bas qu'elle lui tricotait et qui étaient presque finis.

«Moi, je ne suis pas aussi avancée, dit Isaure; je n'en suis encore qu'au premier bas: c'est que je ne
travaille pas aussi vite que ma soeur, parce que je suis plus petite qu'elle.

--Que je voudrais donc bien en faire autant! dit Jeanne.

--Veux-tu que je t'apprenne à tricoter?

--Je le veux bien, mademoiselle.

--Eh bien, dit Mme Dumont, tu viendras tous les lundis, les mercredis et les vendredis à deux heures.

--Oui, madame: ces jours-là je ne fais point de tournée, parce que maman dit qu'il ne faut pas ennuyer
les gens qui nous assistent. Elle ne peut presque plus marcher, car ses jambes sont enflées, et je vais
demander toute seule.

--Et comment fais-tu pour avoir un peu de bois? car il faut du feu pour faire de la soupe?

--La mère Nannette nous laisse mettre notre pot devant son feu; elle est si bonne!»

Jeanne ne manqua pas de venir apprendre à tricoter, et Isaure lui commença une jarretière; rien n'était
plus charmant à voir que ces deux petites têtes si près l'une de l'autre et ces petites mains entrelacées.
Jeanne était assise sur un tabouret; Isaure, à genoux derrière elle, tenait une des mains de son écolière
dans chacune des siennes, pour lui apprendre à se servir de ses aiguilles; elle passait sa tête par-dessus
l'épaule de Jeanne, afin de voir comment elle s'y prenait.

                             Mme Dumont interroge la petite Jeanne.

«As-tu les mains propres? lui demanda Mme Dumont.

--Oui, madame, je me les suis frottées dans le son que la mère Nannette a mis bouillir pour ses oisons.
Maman se sert d'un petit bout de bois bien pointu pour nettoyer mes ongles.

--Elle est donc bien propre, ta maman?

--Oui, madame; tous les matins elle peigne ses cheveux dans l'étable, et les miens aussi; et quand elle
allait chercher son pain avec moi, nous nous arrêtions toujours au bord du ruisseau pour nous laver les
pieds.

--Fais-tu habituellement ta prière, petite Jeanne?

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