Page 19 - PetiteJeanne
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La petite Jeanne remercia ces dames de tout son coeur. Isaure la ramena sous le berceau pour la faire
voir à son père et à Auguste; on la fit déjeuner, et, après avoir mis la pièce de cinquante centimes dans
la poche de son tablier neuf, on fit un paquet de ses vieux habits. Elle le prit et s'en alla.
Jeanne ne resta pas longtemps en chemin, tant elle était pressée de faire voir ses beaux habits. La mère
Nannette et Catherine travaillaient à la porte de la maison.
«Regardez donc, mère Nannette, dit la veuve, ne dirait-on pas que c'est Jeanne qui court là-bas? Je le
croirais presque, si cette petite fille n'était pas si bien habillée.
--Et vous n'auriez pas tort, répondit la mère Nannette après avoir regardé un moment avec attention;
c'est bien elle qui vient à nous toujours courant. Elle est si belle qu'on la prendrait pour la fille de
maître Tixier, le fermier du Grand-Bail.»
Quand Jeanne fut à portée de se faire entendre, elle cria:
«Maman! mère Nannette!
--Oh! mon Dieu! ma fille! où as-tu donc pris ces beaux habits-là?
--Ce sont les dames Dumont qui les ont faits exprès pour moi, parce que Mlle Isaure a eu du chagrin de
me voir au lit le jour que vous avez lavé ma robe; elles m'ont dit qu'il fallait mettre mes habits neufs le
dimanche pour aller à la messe, et quand vous nettoieriez les vieux.
--Et tu les mettras aussi le vendredi pour aller chez ces dames, ma fille.»
Catherine laissa la petite Jeanne dans sa toilette jusqu'au soir, en lui recommandant bien de ne pas se
salir, et l'enfant s'occupa tout de suite de donner à manger aux canards, qui venaient très-bien.
Jeanne s'avise de faire des bouquets pour les vendre.
La veille du marché, Jeanne, tout en gardant ses oisons, remarqua de belles fleurs dans la haie du grand
pré et au bord du ruisseau qui traversait le bois. Elle eut l'idée d'en faire des bouquets; elle les
entremêla avec les épis de toutes sortes d'herbes des prés, et quand ils furent faits, elle les posa pour la
nuit sur une grosse touffe de gazon; puis elle vint demander à la mère Nannette si elle voulait bien
l'emmener en ville avec elle pour vendre ses bouquets. La mère Nannette dit que oui, et le lendemain
Catherine mit à Jeanne ses beaux habits. L'enfant trouva ses fleurs aussi fraîches que si elle venait de
les cueillir.
Aussitôt que la mère Nannette fut arrivée sur la place, tout le monde lui demanda où elle avait pris
cette jolie petite fille.
«C'est une pauvre enfant qui demande son pain, répondit-elle.
--Elle est bien belle, pour demander l'aumône!
--C'est que des dames charitables ont eu pitié d'elle et l'ont habillée comme ça.»
En regardant la petite Jeanne, on regardait ses bouquets et on les lui marchandait.
«Payez-les-moi ce que vous voudrez; c'est pour maman qui est malade.»
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