Page 102 - PetiteJeanne
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--Tu es un brave garçon, Louis; tu verras Dieu un jour comme tu me vois.

--Bien sûr?

--Bien sûr; je te le promets.»

Et les yeux de l'enfant brillèrent comme des étoiles.

                                Jeanne mène Louis chez sa marraine.

Jeanne mena Louis chez sa marraine et lui raconta ce trait de courage, pendant qu'il était occupé à
regarder les belles fleurs qui étaient plantées devant les croisées.

«Ma bonne Jeanne, cet enfant est une grande charge pour toi. Si tu le voulais, je le ferais placer aux
Incurables d'Issoudun, et il y serait fort heureux, je t'assure.

--Oh! non, madame, il n'y serait pas heureux! Vous ne sauriez croire combien cet enfant a besoin d'être
aimé; il est tout coeur. Tant que j'aurai une bouchée de pain, je la partagerai avec lui; et si je n'en avais
plus, j'irais en demander pour lui en donner. Je l'aime pour tout le monde; j'en suis occupée la nuit
comme le jour; il n'a pas pu prendre d'heures réglées pour ses repas; il demande du pain quand il est
couché comme s'il était levé. J'entends souvent dire que Dieu me ferait une grande grâce s'il me le
reprenait; rien ne me fait plus de peine qu'un propos semblable; et comme on se trompe! J'ai mis tout
mon bonheur en lui; il sent quand je souffre, et alors il devient triste. Je n'ai pas besoin de lui conter
mes chagrins; on dirait que ma tristesse coule dans son coeur «tant il me fait d'amitiés» s'il me sent de
la peine; il me manquerait encore plus que mes autres enfants, qui peuvent se passer de moi. Tout son
esprit est dans son coeur. Enfin, que voulez-vous que je vous dise, ma chère dame? c'est tout le portrait
de son père.

--Qu'en comptes-tu donc faire alors?

--Il travaille un peu au jardin; il est très-fort, et peut-être un jour pourra-t-il labourer. Je suis si habituée
à le voir tel qu'il est, que je n'en suis plus chagrinée; quelquefois il passe des heures devant ses rosiers,
car il aime beaucoup les fleurs, et surtout les roses. On dirait qu'il les regarde pousser. Je serais
heureuse avec lui si je ne craignais pas qu'il ne mît le feu sans le vouloir; c'est pourquoi je ne le laisse
jamais seul à la maison.»

Pendant que sa mère parlait, Louis était rentré et s'était approché du piano. Comme il touchait à tout, il
avait posé un doigt sur une touche, qui rendit un son. Il fut ravi et poussa un petit cri de joie; il
recommença, et les touches lui répondaient toujours.

«Est-ce qu'il aime la musique? dit sa marraine.

--Oh! beaucoup, madame; du plus loin qu'il entend une cornemuse, il prête l'oreille; il est d'abord
joyeux comme tout à l'heure, puis il finit toujours par pleurer.»

Mme Isaure se mit au piano et joua un air bien doux et un peu triste. Louis la regardait avec des yeux
brillants, puis il se mit à genoux comme s'il priait Dieu. Quand elle eut fini, il se coucha à ses pieds et
pleura. Sa marraine lui joua aussitôt un air plus gai pour le remettre un peu; mais il se leva subitement,
et, lui arrêtant le bras, il s'écria:

«Non! pas ça, marraine, pas ça, l'autre!»

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