Page 100 - PetiteJeanne
P. 100
--Il ne te rendait donc pas quelques services?
--Si fait: il chauffait le four et enfournait le pain; il faisait des mues et des paniers que je vendais à la
ville, où le meunier me les conduisait; enfin, il s'occupait toujours; il gardait aussi les petits et leur
faisait des amusettes.
--Et tu as pu lui reprocher le pain qu'il mangeait et qu'il gagnait bien, ma foi! Marguerite, je mourrais
de honte si j'étais à ta place. Si Pierre s'était détruit, tu en aurais répondu devant Dieu.
--Jeanne, tu me fais toujours peur; je ne suis pourtant pas méchante.
--C'est vrai, tu n'es pas méchante au fond; mais c'est pire que si tu l'étais, parce que tu ne penses jamais
ni à ce que tu dis ni à ce que tu fais.»
Pierre guérit, puis retombe malade.
Pierre guérit au bout de trois mois. Quand la plaie fut fermée, M. le curé lui dit:
«Maintenant, mon ami, il ne faut plus penser à cultiver la terre, cherchez un autre moyen de gagner
votre vie.
--Que voulez-vous donc que je fasse, monsieur le curé?
--Apprenez un état qui ne fatigue pas vos jambes.
--Mais j'ai vingt-cinq ans; et il est bien dur à mon âge d'entrer en apprentissage.
--Il serait encore plus dur d'aller mendier, mon cher; le mal ne se fait jamais, en ce monde, que la
punition ne le suive tôt ou tard. Vous avez manqué de confiance en Dieu et en votre mère, qui
représentait pour vous sa providence sur la terre, et vous voilà incapable de travailler comme tout le
monde. Il n'y a donc pas à murmurer, puisque vous êtes l'auteur de votre mal; et, quoique vous soyez
guéri, rappelez-vous que vous ne vous servirez jamais de vos jambes comme vous le faisiez auparavant
sans qu'elles redeviennent malades.»
Quand M. le curé fut sorti, Marguerite dit à Pierre:
«Bah! M. le curé dit ça; mais tu peux bien aller à la charrue, à présent que tu n'as plus de mal.»
Pierre, qui se sentait fort, se loua comme laboureur.
Mais, au bout d'un mois, il revint chez son frère, plus malade que la première fois.
Marguerite vient encore chercher Jeanne.
Marguerite alla trouver Jeanne, et lui dit:
«Il faut pourtant que tu ailles chez M. le curé pour le prier de venir voir Pierre, qui est revenu; moi, je
n'oserais pas.
--Pourquoi donc? est-ce qu'il est encore malade?
99