Page 50 - PetiteJeanne
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De son côté, Jeanne remerciait aussi le curé de l'avoir placée chez des maîtres qui l'avaient adoptée
comme leur enfant, et chez qui elle n'avait jamais que de bons exemples sous les yeux. Elle s'échappait
de temps en temps pour aller voir les dames Dumont. Comme elle cherchait tout ce qui pouvait faire
plaisir à la maîtresse, elle avait demandé à Mlle Isaure des livres et du papier pour enseigner à lire et à
écrire à la petite Louise.
Grand Louis fait un bon cailloutage devant la porte.
Les foins et la moisson se passèrent sans accidents. Jeanne faisait de si bonne soupe aux moissonneurs,
et son pain avait si bon goût, qu'ils disaient n'avoir jamais été mieux régalés. Dès le matin, elle tirait de
l'eau et la jetait à pleins seaux dans la maison; puis elle balayait pour ôter la boue et le fumier que
chacun apportait aux pieds. Si grand Louis la voyait faire, il allait lui chercher l'eau. Un jour il lui dit:
«Petite Jeanne, ça m'ennuie de te voir te fatiguer, et pour rien encore! tu as beau nettoyer le matin, à
midi il y en a autant.
--C'est bien vrai, grand Louis; mais, si je n'ôtais pas les ordures à fond tous les jours, nous serions, sans
comparaison, comme les bestiaux dans l'étable. S'il y avait seulement un bon cailloutage devant notre
porte, la boue des sabots y resterait, et la maison ne serait pas si sale.»
Le lendemain, comme il avait beaucoup plu le matin, et que les gerbes étaient trop mouillées pour être
rentrées, grand Louis, après avoir aidé à les mettre debout afin qu'elles pussent sécher, revint vers trois
heures, et, comme il n'avait rien à faire, il attela son tombereau et fit plusieurs voyages à la carrière
voisine; il en rapporta des pierrailles et fit devant la maison un bon cailloutage.
«Tu as fait là un fameux ouvrage, dit maître Tixier en soupant; c'était bien nécessaire, et je ne sais pas
pourquoi je n'y ai jamais pensé. Comment l'idée t'en est-elle donc venue?
--Ce n'est pas mon idée à moi, c'est celle de la petite Jeanne, qui a dit que, s'il y avait un bon
cailloutage devant la porte de la maison, elle serait plus saine et plus propre.
--Mon garçon, tu as bien raison de faire ce que la petite Jeanne te commande.
--Notre maître, dit Jeanne toute rouge, je ne lui ai rien commandé; il l'a fait de sa bonne volonté.
--C'est encore mieux, ma fille.»
Jeanne et grand Louis achètent des terres au père Colis.
«Mes amis, dit maître Tixier, vous ne savez pas ce que le père Colis vient de me dire? Il se trouve trop
cassé pour continuer à cultiver ses terres; c'est trop fort pour lui maintenant; il ne veut garder que son
jardin, afin de s'occuper un peu. Comme il a perdu tous les siens et qu'il est seul au monde, il veut
vendre son bien en viager. Ma Jeanne, j'ai pensé à toi pour cette bonne pièce de terre où il avait ses
avoines cette année: il en veut trente écus par an; c'est bien un peu lourd, et pourtant ce serait
dommage de manquer une si bonne occasion. Écoute: tu me l'affermeras quarante-cinq francs; il t'en
restera autant à donner sur tes gages, juste la moitié de ce que tu gagnes, et l'autre moitié suffira pour
tes dépenses. Qu'en dis-tu?
--Notre maître, si vous croyez que c'est pour mon avantage, il faut m'acheter ce champ. Faites donc
comme pour vous.
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