Page 11 - PetiteJeanne
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«Voulez-vous m'emmener aux champs avec vous? je garderai bien les oisons.

--Oui, ma Jeanne, je ne demande pas mieux.»

Après l'avoir fait déjeuner avec elle, la mère Nannette amena les oisons sous le noyer, et Jeanne les
garda pendant que la vieille femme détachait sa vache et sa chèvre. Cette petite s'entendait si bien à
conduire les oies et à les empêcher de faire du dommage, que la mère Nannette en était tout étonnée.

Vers les dix heures, comme il commençait à faire chaud, elles firent rentrer les bêtes, qui ne voulaient
plus manger dehors, parce qu'elles étaient tourmentées par les mouches. Jeanne voulut ensuite aller à
l'herbe; elle en ramassa un bon petit paquet qu'elle lia dans son tablier, et elle le posa sur sa tête en le
maintenant avec ses deux petites mains, pour le rapporter à la maison. La mère Nannette lui donna des
prunes pour son goûter; et, quand la chaleur fut tombée, elles firent sortir encore les bestiaux, et ne les
ramenèrent qu'à la brune, en passant par l'abreuvoir. On leur donna pour la nuit une grande partie de
l'herbe qui avait été ramassée. La mère Nannette fit une bonne soupe aux pommes de terre, et Jeanne,
qui n'était pas habituée à en avoir de pareille, en mangea une grande assiettée; puis elle se coucha.
L'enfant était bien un peu lasse, mais très-contente d'avoir aidé la mère Nannette.

                           La mère Nannette mène Jeanne à la messe.

Le lendemain, en s'éveillant, la petite Jeanne appela sa mère; puis, se souvenant qu'elle n'était pas là,
elle se leva, s'habilla et pria la mère Nannette de la laver et de la peigner, comme faisait Catherine;
ensuite, elle se mit à genoux et fit sa prière.

«Quelles prières sais-tu? lui demanda la mère Nannette.

--Je sais Notre Père et Je vous salue, Marie.

--Dis-les donc tout haut.»

Jeanne les récita sans en manquer un mot. Quand elle eut fini, comme elle restait encore à genoux, la
mère Nannette lui demanda:

«Que dis-tu donc encore?

--Je demande au bon Dieu d'avoir pitié de nous et de bénir tous ceux qui nous assistent; je dis votre
nom le premier et celui de Mme Dumont après. Maman me l'a fait dire comme cela hier.»

La messe sonna, et la mère Nannette prit ses beaux habits. Elle regarda la petite Jeanne, et, lui voyant
un fichu tout déchiré, elle lui en mit un des siens; puis elles partirent pour l'église, emportant chacune
sa chaise.

Pendant toute la messe, Jeanne tint un chapelet que lui avait prêté la mère Nannette, et dit ses prières.
Elle ne tourna point la tête pour voir qui entrait ni qui sortait; elle se mettait à genoux en même temps
que tout le monde, et se relevait comme les autres.

M. le curé, après la messe, demanda à la mère Nannette où elle avait pris cette enfant-là. Alors elle lui
raconta l'histoire de Catherine.

«Mère Nannette, vous êtes une digne femme, lui dit-il; la parole de Dieu n'est pas perdue pour vous.»

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